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Introduction to C++ Programming
CADCIM Technologies
Contributing
Sham Author
Tickoo
Professor
Purdue University Calumet
Hammond, Indiana
USA
ISBN 978-1-942689-38-6
www.cadcim.com
CADCIM Technologies
DEDICATION
THANKS
Note
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following link to access the teaching resources: The student
resources are available at We also provide Live Virtual Online
Training on various software packages. For more write us at
Table of Contents
Preface
C++
Welcome to Introduction to C++ an example based textbook,
written to cater to the needs of beginners and intermediate users.
C++ is an object-oriented programming language, which is a
preferred programming approach followed by the software industry.
C++ enjoys the distinction of being the most popular and widely
used OOP language in the world. The syntax, style, features and
philosophy of the language form the basis of many other
programming languages such as Java and C#.
Faculty Resources
• Technical Support
You can get online technical support by contacting
techsupport@cadcim.com.
• Instructor Guide
Solutions to all the review questions and exercises in the textbook
are provided to
help the faculty members test the skills of the students.
• Example Files
The C++ files used in examples are available for free download.
Student Resources
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Chapter 1
Introduction to C++
Learning Objectives
Introduction
Object-Oriented Programming
Object-oriented programming (OOP) developed to overcome the
limitations of the procedure-oriented programming is an improved
technique for developing the programs. In case of OOP, the data is
treated as the most critical element and the primary focus is on the
data and not on the procedures. In this technique, the data is
grouped together with the functions that operate on it. A problem is
divided into entities known as objects. Each object maintains its own
copy of data and functions. The data cannot be accessed directly by
the other objects of the program. It can only be accessed through a
proper interface such as functions, as shown in Figure 1-2.
Figure 1-2 Representation of OOP
Features of Object-Oriented Programming
There are certain features that have made object-oriented
programming very popular. These features are as follows:
1. Objects
2. Classes
3. Encapsulation
4. Inheritance
5. Polymorphism
Objects
Other documents randomly have
different content
jardin était lustrée par l’air du printemps. Sur les coteaux poudreux
d’ombres violettes pointaient les clochers.
Tout paraissait aimable, facile, enveloppé d’une atmosphère de sécurité.
Elle pensait avec une irritation un peu méprisante aux mots de son oncle:
—Il faut que tu te maries ou bien que tu vendes!
Aucun de ses parents ne la comprenait. Elle en éprouvait une rancune
qui n’était au fond qu’un amour trompé: ils avaient déçu ce désir d’entente,
d’union familiale que sa mère et elle avaient dans le cœur; toutes les choses,
les plus belles même, les plus attachantes, se présentaient à leur esprit sous
forme d’affaires ou de tracasseries. «Si ma tante était restée, pensait Paule,
elle aurait voulu mettre en ordre les armoires, regardé partout, critiqué. Elle
reprochait à maman de ne pas s’occuper assez du ménage. Il aurait fallu que
le dîner fût servi à l’heure; Louisa, qui n’accepte pas les observations,
m’aurait fait des scènes. Pourquoi supporterais-je d’être tourmentée par des
gens qui ne m’aiment pas?»
Chaque jour, dans la cuisine ouverte sur le jardin, le va-et-vient des
paysans jetait des nouvelles. Quand elle descendait, elle trouvait des gens
attablés; la cuisinière, Louisa, remplissait les verres.
Paule passait vite, pour ne pas les gêner, avec un sourire bienveillant et
mélancolique. Elle avait cette délicatesse qui ne veut pas voir ce qui est
donné et ceux qui reçoivent. Un jour pourtant, elle se sentit un peu
soucieuse:
—Vous donnez donc à boire à tous ceux qui veulent?
La vieille femme mit ses mains sur les hanches:
—Ce serait malheureux tout de même, qu’on ne puisse plus se rafraîchir!
Et méprisante:
—Pour un verre de vin, ça vaut-y la peine?
Paule n’insista pas. Il lui était toujours pénible de refuser, de faire un
reproche. La bonté de son cœur, qui lui semblait la chose du monde la plus
naturelle, démentait la fermeté de son caractère; la vie lui aurait paru
insupportable si les visages n’avaient pas reflété le contentement.
Les pêcheurs d’aloses, qui avaient leur barque dans le petit port,
trouvaient des motifs pour venir sans cesse: ils empruntaient un maillet, des
clous, une vieille planche. Un matin, Paule s’aperçut qu’ils avaient planté
des piquets le long d’une allée et commençaient d’y suspendre leurs filets
mouillés; elle eut un mouvement de contrariété et descendit à la cuisine:
—Je ne supporterai pas une chose pareille, déclara-t-elle à Louisa. Allez
le leur dire.
La servante, penchée sur le feu, releva vivement sa grande taille osseuse.
Sous le foulard serré autour de sa tête, d’où s’échappaient des mèches
grises, son visage sec aux lèvres pincées, ses petits yeux noyés de bile
exprimèrent la stupéfaction:
—Ces pauvres gens ne font pas de mal! C’est Élie, et puis Augustin, que
la pauvre Madame connaissait bien. Sa femme a travaillé dans les vignes,
une bien bonne femme!
—Ils auraient pu au moins me demander la permission.
Cette fois, Louisa se lamenta: c’était sa faute: ils l’avaient demandée, la
permission; elle avait cru bien faire en disant qu’ils pouvaient planter les
piquets. Le long de l’allée, cela ne gênait personne. La pêche d’ailleurs
serait bientôt finie.
Le lendemain, Augustin se présenta devant la porte de la cuisine, retira
ses pieds de ses sabots et avança la tête avec précaution. Il portait, par un
brin d’osier passé dans les ouïes, une alose grasse qui se balançait contre sa
jambe.
Paule, appelée, descendit de mauvaise grâce. Elle ne voulait rien
accepter, mais Louisa avait déjà couché le poisson sur l’herbe, et en faisait
sauter les écailles avec un couteau:
—On la cuira sur le gril avec du laurier.
Et la soupesant:
—Elle pèse bien près de quatre livres.
Le vieux regardait l’alose, un mouchoir noué autour du cou, son béret
baissé sur sa peau tannée:
—Peut-être bien même qu’elle en pèse cinq!
A midi, la cuisine était pleine d’une odeur de poisson et de laurier brûlé.
Louisa apporta le plat, les deux bras levés. Elle avait un air de triomphe.
Il fallut encore que Paule entendît toute l’histoire du vieil Augustin: sou
par sou, il avait amassé de quoi acheter une embarcation, les avirons, le mât
et la voile; il en avait maintenant une autre, une grande yole et un hangar
sur le bord du fleuve. Paule se rappela cette cabane où s’accumulaient les
filets, les planches, les pots de peinture, les chapelets de flotteurs en liège,
et ces grandes nasses d’osier, les «bourgnes», qu’on immerge pour pêcher
l’anguille dans les trous de vase.
Louisa continuait:
—Si vous voulez qu’il vous promène quelque dimanche, il ne dira pas
non, cela vous ferait une sortie.
Paule fut touchée. Cette proposition lui semblait une marque de
reconnaissance. Augustin d’ailleurs ne lui en parla pas; jamais plus il ne fut
question de remonter le fleuve, par un beau jour, dans une de ces barques
qu’elle regardait passer comme des fourmis noires sur l’eau éclatante. Mais
elle était contente maintenant de voir les filets suspendus chez elle, et la
figure du vieil homme se plisser d’un sourire en l’apercevant.
Elle parlait peu, ne recevait à peu près personne, mais s’intéressait de
loin aux gens et aux choses. Elle donnait des légumes, des fleurs par
brassées, non seulement aux pauvres mais à ses voisins, avec ce goût de
faire plaisir qui couvrait un plus profond désir d’être aimée.
Elle travaillait maintenant, après le dîner, dans le salon dont les portes-
fenêtres restaient ouvertes sur le jardin. Une lueur orangée s’éteignait
lentement au bas du ciel. Parfois une grande brise se levait avec la marée et
lui jetait à la face des odeurs marines mélangées aux parfums de mai. Le
jardin s’emplissait de froissements et de murmures qui allaient se perdre
dans les roseaux. Paule écoutait, vaguement inquiète, croyant entendre dans
les allées des craquements et des bruits de pas. La lampe, posée sur un
guéridon, éclairait le bord de la pelouse et un grand massif de rosiers. Au
delà de cette tache lumineuse, l’atmosphère nocturne s’approfondissait,
avec des silhouettes d’arbres découpées sur la nappe argentée du ciel.
Elle se sentait parfois un peu oppressée. Le sentiment de sa solitude
faisait passer dans toute sa chair des frissons dont elle avait honte. Autour
d’elle, tout devenait chuchotant, mystérieux, peuplé de présences cachées
encore, mais prêtes à paraître. Il lui semblait voir bouger des ombres.
Son cœur avait par moments des battements fous.
III
Une marchande passait tous les jours sur la route, avant le déjeuner, et
arrêtait devant le portail sa charrette tirée par un vieil âne mélancolique.
Louisa criait de la cuisine:
—Madame Rose est là.
On l’appelait aussi «la comtesse», pour des raisons dont personne ne se
souvenait. Mais qu’on lui donnât un nom ou un autre, elle s’en souciait peu.
Elle se moquait de bien d’autres choses:
—Qu’est-ce que cela fait?
Elle avait une tournure de commère, des hanches rebondies, et un tablier
taillé dans un vieux sac. Mais la figure riait toujours, fraîche et ouverte,
avec deux yeux bleus pétillants de vie et de malice, le nez relevé en pied de
chaudière, et une grande bouche encore élargie par un caquet intarissable.
Le son de sa voix était clair et gai. On en entendait de loin les éclats.
Elle connaissait à fond la commune, pour en avoir parcouru depuis près
de vingt ans toutes les routes du coteau et de la palud, d’abord poussant
elle-même une brouette chargée de corbeilles, puis largement assise dans
son charreton. Elle excellait à grouper les gens autour de ses paniers. Elle
les dominait, de la plate-forme de sa voiture, sordide et joyeuse, comme la
reine d’une cour misérable:
—Qu’est-ce que tu veux aujourd’hui, ma jolie, mon cœur?
Aux femmes qui ne bougeaient pas à son approche, elle faisait des
gestes:
—Venez toujours voir!
Et elle déballait, avec ses caisses de sardines et ses viandes blanches,
toutes sortes d’histoires paysannes. Personne ne l’avait jamais vue à court
de réflexions drôles et de reparties. A travers tout cela, elle faisait marcher
son commerce, tirant parti des occasions, portant des pots de fleurs pour la
Sainte-Marie, des pieds de chrysanthèmes toute la semaine de la Toussaint,
donnant des recettes pour le mal de dents et tirant les cartes. Les jours de
fête, elle s’installait avec une boîte de madeleines au coin de la place du
village, ou devant la salle de danse. Elle mettait en loterie ses plus vieux
canards. Partout où elle passait, elle engageait à se réjouir: quand elle
apparaissait avec ses hanches balancées, on avait envie de s’approcher
d’elle. Des bonnes familles de la contrée, elle ne parlait que pour raconter
que l’une lui avait donné du bois, telle autre un jupon, ou encore du foin
pour son âne. Elle savait aussi s’apitoyer, quand il le fallait, mais jamais sur
elle, trop intelligente pour donner en pâture ses propres ennuis.
A Paule, qui lui demandait parfois des nouvelles de son fils malade, elle
glissait tout bas:
—Il ne faut pas se plaindre. A quoi ça sert?
Et sur un autre ton:
—Il y a de la peine pour tout le monde. Votre pauvre mère en a eu sa
part. Ah! elle était bonne! En voilà une qui a fait du bien, et en cachette!
Elle n’était pas comme ceux qui le mettent au bout du doigt, pour le faire
voir.
Le groupe peu à peu se dispersait, elle criait:
—Nous partons, Cadet.
Le vieil âne attendait qu’elle l’eût au moins répété trois fois. Puis les
roues grinçaient, et te charreton de la marchande s’éloignait enfin, laissant
derrière lui une traînée de vie et de bonne humeur.
Un jour que Paule se trouvait seule à l’écouter, elle lui avait dit:
—Vous allez rire, mais j’ai fait un vœu. Si je devenais quelque jour
riche, j’ai promis au bon Dieu de rouler toujours.
Comment serait-elle devenue riche?
Dans ce petit coin de la Gironde, elle perpétuait la verve gasconne,
pittoresque et gaie, qui ensoleille les caractères. Paule se sentait raffermie
par cette bonne santé morale que la pauvreté n’avait pas gâtée. Mme Rose
du moins ne se plaignait pas; elle vivait sa vie au jour le jour, ayant passé
avec la Providence un contrat à perpétuité.
Mlle Dumont, au contraire, la décourageait.
C’était une vieille institutrice un peu effacée, qui avait essuyé de la part
des siens les pires vilenies, tout accepté, beaucoup pardonné, et continuait
de croire aux bonnes intentions. Mme Dupouy était son amie d’enfance.
Pendant douze ans, elle avait fait ses délices de passer aux Tilleuls trois
jours par semaine pour donner des leçons à Paule. Les examinateurs
d’aujourd’hui auraient rejeté avec horreur les méthodes dont elle se servait
pour résoudre de bons vieux problèmes et disposer des analyses. Paule
n’avait pas passé d’examens: Mme Dupouy pensait qu’une jeune fille doit
surtout s’entendre au ménage et cultiver les arts d’agrément. Maintenant, le
piano à queue d’acajou luisant était solennellement fermé au fond du salon;
mais la vieille demoiselle, par amitié, continuait de venir chaque samedi.
C’était elle qui avait envoyé les lettres de faire-part et rassemblé les
cartes de condoléances. Elle regardait Paule avec attendrissement, soupirait
souvent et lui répétait:
—Ma petite, il faut vous marier.
Ou encore:
—Votre tante devrait s’occuper de vous.
L’important pour elle était que le jeune homme eût une belle position. Et
elle racontait tous les romans de ses élèves, romans bien fades, vus à travers
la bienveillance d’une vieille maîtresse de piano: elle parlait de vie sans
nuages, de bonheur parfait.
Elle aussi avait eu une lointaine histoire d’amour, confuse, embrouillée,
dont le récit paraissait à Paule une pauvre vanité de femme, mesquine
comme tout ce qui touchait à cette vie manquée. Pour cette vieille
demoiselle, le mariage demeurait ce qu’il était dans sa jeunesse, la carrière
féminine la plus facile, la plus confortable, la seule issue. La grande affaire
pour elle, c’était de s’établir, affaire qu’elle voyait à la manière d’une
installation solide et commode après laquelle on était fixé, accepté
définitivement par la société qui rejette les existences flottantes et instables.
Mlle Dumont, petite et soignée, avait pu avoir autrefois un cœur
romanesque, mais cette lointaine fleur de poésie s’y était fanée, en même
temps que se décolorait le bleu de ses yeux, maintenant passé, qui avait dû
être frais et charmant; ses traits aussi s’étaient usés comme s’effacent les
effigies des pièces qui ont trop servi, qui n’ont pas connu le repos, les
économies, si bien qu’elles ne sont plus qu’une monnaie anonyme et
presque hors d’usage. Il n’y avait plus personne pour imaginer que ce
visage avait été régulier et fin. Ainsi diminuée, ratatinée, rassemblant de
pauvres objets dans son petit sac, elle sacrifiait aisément les rêves à un idéal
de sécurité:
—J’ai peur, ma chère enfant, que dans votre situation, vous ne puissiez
faire qu’un mariage de convenance.
Paule répondait par des mots très vagues:
—Il faudra voir. On ne sait jamais.
Elle était lasse de heurter l’élan de sa jeunesse à des gens si différents
d’elle, qui prétendaient donner à la vie des formes sans âme. Elle savait
bien qu’elle devrait se marier. Mais cette idée, elle ne pouvait souffrir que la
nécessité la lui imposât.
Que pouvait-on prévoir d’ailleurs quand il y avait dans l’avenir de si
merveilleux hasards, un si grand mystère?
IV
Un malheur est comme une pierre jetée dans l’eau. Pendant plusieurs
jours, dans le monde des amis et des relations, quelques ondes de sympathie
courent à la surface. Mme Dupouy, qui vivait très digne et très retirée, ne
donnant grand plaisir à personne depuis des années, ne pouvait laisser de
profonds regrets. Néanmoins, pendant la semaine qui suivit sa mort, la
société bordelaise répandit sur sa mémoire de justes louanges.
Plusieurs familles, aussi riches que considérées, et qui avaient un
domaine sur le bord du fleuve, entretenaient l’été avec elle des rapports de
bon voisinage. Dans ce monde de propriétaires et de négociants, quelques
jeunes filles formèrent le projet d’aller voir Paule: Mme Lafaurie, avec une
certaine pompe dans son obligeance, offrit d’amener un dimanche les
bonnes amies en automobile; mais il y eut précisément cette semaine-là un
match de tennis, puis ce furent des courses auxquelles on ne pouvait
manquer d’assister. Le chagrin attirant peu, Odette Lafaurie se contenta
d’écrire une lettre, les autres l’imitèrent. Toute cette jeunesse, se sentant en
règle, fut débarrassée d’un malaise et n’y pensa plus.
L’affluence des témoignages de sympathie ne laissait à Paule qu’une
impression de banalité et d’indifférence. Les mêmes mots revenaient sous
toutes les plumes. Elle démêlait dans ces condoléances quelque chose de
faux qui lui répugnait.
Dans le monde, elle paraissait timide et un peu farouche: c’est qu’elle
avait souvent comme un don de seconde vue, une intuition immédiate des
sentiments véritables. Quand Mme Lafaurie disait: «Vous êtes bien
aimables d’être venues», le cher visage de sa mère prenait une expression
discrète de contentement; mais elle savait, elle, que Mme Lafaurie se serait
passée de leur visite et pousserait même peut-être, quand leur voiture
s’éloignerait, un soupir de satisfaction.
Parmi les enfants, elle s’était toujours sentie seule, désorientée, n’ayant
ni les mêmes habitudes ni les mêmes jeux. Les grandes personnes ne
comprennent pas que le monde des petits a ses froissements, presque ses
passions. Il ne pouvait y avoir de rapports entre une petite campagnarde et
cette brillante Odette Lafaurie qui parlait anglais à sa gouvernante,
changeait de robe pour le dîner, travaillait, sortait, et faisait de la
gymnastique à des heures fixes. Elle, elle était une enfant choyée, couvée,
qui avait le sentiment que l’essentiel était de s’aimer, de se consoler, de se
taire mutuellement les peines.
C’était dans le monde des pauvres gens que son cœur se trouvait à l’aise.
Paule allait à Bordeaux deux fois par semaine pour ses affaires de
succession. Ces jours-là, elle déjeunait de bonne heure et prenait le train de
midi. Les anciennes locomotives, reléguées sur cette ligne peu importante,
parcouraient en trente minutes les dix kilomètres.
L’étude se trouvait au fond d’une cour, dans un vieil hôtel du quartier
Saint-Pierre, endormi, plein de silence, où habitaient autrefois près du palais
de Lombrière les conseillers et autres robins, gens de savoir, respectés et
graves, dont le pas faisait résonner de solennels escaliers de pierre. Leurs
grandes maisons, dans lesquelles on ressemelle maintenant d’obscures
savates, quand on n’y vend pas du fromage et des toiles à voiles, ont gardé
quelque chose de leur majesté.
Les panonceaux de Mᵉ Gratiolet, sur un écusson rongé par les pluies,
étaient aussi d’une ancienneté dont l’étude faisait sa gloire. La salle
d’attente, enfumée, sombre, où le gaz brûlait du matin au soir, était tapissée
de cartonniers verts, étiquetés et sales, dont les plus hautes rangées
disparaissaient sous des épaisseurs de poussière. L’odeur de fumée et de
vieux papiers soulevait le cœur.
En face de la banquette de crin où Paule s’asseyait, une cage vitrée avait
été ménagée pour un caissier toujours absorbé. Des affiches roses, jaunes ou
blanches y étaient suspendues, annonçant des ventes volontaires ou
judiciaires, toutes consacrant quelque malheur de famille, le désastre
d’inconnus qui avaient vu venir, au fond de quelque vieille maison délabrée,
le jour où leur ruine serait publique. A côté était accroché un tableau qui
donnait la liste des huissiers.
Au fond de la salle s’agitait une nuée de clercs, dissipés, bavards,
attablés à des bureaux peints sur lesquels les paperasses étaient entassées.
Le caissier, bondissant parfois hors de sa cage comme un forcené, faisait
scandale pour imposer silence aux plus facétieux. C’était un petit homme à
la face de bouledogue, rouge, coléreux. Sa furie passée, il épongeait
longuement son crâne d’ivoire. Quelques houppes blanches y étaient posées
comme des flocons d’œufs à la neige. Le premier clerc, au contraire,
irréprochable, beau diseur, de mise soignée, semblait revêtu de la tête aux
pieds du vernis spécial aux fonctionnaires de la troisième République.
De temps en temps, le notaire entr’ouvrait la porte capitonnée qui
retombait après avoir engouffré un des habitués de la banquette noire.
Un jour, sur une affiche récemment posée, un nom la frappa: Château de
Valmont. Elle eut une rapide contraction du cœur. Il allait se vendre, le beau
domaine si bien placé en haut du coteau. Une figure se leva dans sa
mémoire, celle de Mme Seguey, la plus aimable femme qu’elle eût jamais
vue, et qui était morte l’année précédente dans cette jolie demeure Louis
XVI. C’était une créole de Bourbon, veuve dès sa jeunesse d’un grand
armateur, et qui avait gardé dans des jours moins heureux une grâce de
fleur, des robes élégantes, un air de gaieté. Il y avait en elle une vivacité
d’impressions qui touchait le cœur. Sa disparition laissait dans le pays un
vide que personne ne pouvait combler, car nulle autre n’avait son charme, et
cette façon de sourire, de marcher et de s’arrêter, de dire les choses ou de
les laisser seulement entendre, qui donnait à tout ce qu’elle faisait un prix
singulier. Dès qu’elle paraissait, avec ses yeux vifs et ses cheveux tordus
sur son cou, il semblait que la vie ne fût plus la même.
Paule allait en visite à Valmont trois ou quatre fois pendant l’été. La
voiture montait dans l’allée tournante, bordée de barrières allemandes
toujours bien repeintes, entre les beaux arbres de la garenne qui répandaient
une odeur de mousse et de champignons. Et tout en haut, derrière un
immense cèdre, qui déployait sur une prairie ses éventails sombres, la
maison apparaissait, délicate, nette et harmonieuse, avec sa façade renflée et
les cinq marches du perron si douces à monter. Paule revoyait aussi le
vestibule peint en gris clair, dont une natte recouvrait le frais carrelage, la
salle à manger ovale, creusée de niches, dont les courbes dissimulaient de
profonds placards remplis de vaisselle. Le salon était tendu de tapisseries
dans lesquelles on voyait des princesses vertes aux colliers de perles,
allongeant leurs jambes parmi des feuillages et de grands paons bleus. Et
quand on regardait du côté des portes-fenêtres, le paysage de lumière était
doux et clair, avec la coulée d’argent vif du fleuve et Bordeaux comme une
nappe violette voilée de fumées.
Elle allait se vendre, cette maison qui convenait si bien à ses
possesseurs. Qui donc avait le courage de s’en séparer? Elle avait le
pressentiment que ce ne pouvait être Gérard Seguey. Il tenait de sa mère une
appréciation trop juste de ce qui est parfaitement bien pour vouloir cela.
Mais peut-être ne pouvait-il pas s’y opposer? Elle se rappela qu’il avait une
sœur mariée à un officier de cavalerie qui s’était tué, d’une chute de cheval,
dans un concours de sauts d’obstacles. On disait de lui qu’il avait fait de
folles dépenses, et que Mme Seguey, à plusieurs reprises, lui avait assuré les
moyens de payer ses dettes. Mais personne ne l’avait su de façon certaine:
s’il y avait eu des secrets dans cette famille, ils avaient été bien dissimulés
sous des apparences d’estime réciproque. Puis, brusquement, après la mort,
une fissure se produisait dans cette façade de vie familiale; bien des
suppositions pouvaient s’y glisser. Pour une nature comme celle de Gérard
Seguey, ce ne devait pas être la moindre épreuve que l’attroupement des
curiosités mondaines autour de son sort.
«Château de Valmont.» Ce nom représentait ce qu’elle connaissait dans
la vie de plus délicat. Elle l’avait toujours entendu prononcer avec une
intonation de respect et d’admiration. Mais, sur ce papier de couleur
groseille, il ressortait avec une sorte de brutalité, comme si une grossière
réclame en eût aboyé les syllabes et les eût jetées à la face de ceux qui
entraient.
Ses réflexions l’absorbaient si profondément qu’elle n’avait pas vu la
porte s’ouvrir sur un jeune homme, habillé en noir avec un goût sobre, qui
avait fait signe au premier clerc qu’il allait attendre, et s’était assis sur une
chaise.
Il pouvait avoir une trentaine d’années. Grand, mince, le visage allongé,
les yeux très clairs dans un teint brun, il avait dans toute sa personne un
charme de finesse.
Deux ou trois fois, il avait regardé du côté de Paule, cherchant
discrètement à la saluer, mais attendant d’être reconnu. Dans le jour
poussiéreux de cette salle d’attente, sur le fond chocolat de la boiserie, elle
le vit enfin. Sa tête se détachait, découverte, un peu inclinée:
—Gérard Seguey...
Il vint à elle, lui serra la main et prit à son côté une place libre sur la
banquette. Elle en éprouvait un sentiment mêlé de trouble et de gêne, peut-
être à cause des pensées qu’elle venait d’avoir et aussi de cette affiche qui
était maintenant juste devant lui.
Il ne paraissait pas s’en apercevoir et lui parlait de son deuil récent, d’un
ton mesuré, choisissant ses termes. Elle aussi essaya de dire quelque chose
sur le malheur qui l’avait atteint, prépara une phrase dont elle ne sut que
faire et se tournant simplement vers lui:
—Votre mère était une femme délicieuse.
Elle avait appuyé sur le dernier mot, avec une sincérité dont il fut touché.
Il ne répondit rien, mais ses paupières se relevèrent un peu sur son regard
gris qui sembla contempler une parfaite image.
Ce fut à ce moment qu’elle découvrit qu’il lui ressemblait.
Puis, d’un ton différent, il parla de plusieurs familles qui étaient de leurs
relations. Il passait d’une personne à l’autre. Sur un avocat célèbre, M.
Peyragay, qui avait une maison au bord du fleuve, il raconta plusieurs
anecdotes qui mirent entre eux quelques sourires.
Elle était étonnée qu’il soutînt ainsi leur conversation. Il y avait
longtemps qu’elle ne l’avait vu, et c’était la première fois qu’il la traitait en
jeune fille. Les paroles les plus simples, lorsqu’il les disait, prenaient une
valeur qu’elle ne s’expliquait pas.
Les gens qui attendaient à côté d’eux, avec une expression d’ennui qui
pétrifiait peu à peu d’insignifiantes ou lourdes figures, des joues mal rasées,
lui paraissaient appartenir à une médiocre humanité: elle et Gérard, seuls,
formaient ce jour-là, sur la laide banquette noire, un petit monde privilégié.
Elle avait cependant conscience qu’il était d’une race plus fine que la
sienne, à la fois forte et délicate, placée aussi par la culture, le milieu
mondain, à un degré qui la dépassait.
Elle craignait qu’il la trouvât gauche, ou mal habillée, bien qu’il y eût
entre eux un échange de sympathie qui la rassurait.
Il avait huit ans de plus que Paule et ne s’était guère occupé d’elle que
pour lui prêter des livres de Jules Verne, quand elle était petite fille. Il
semblait pourtant la regarder avec intérêt. Mais peut-être était-ce chez lui
une habitude de réfléchir, sans en avoir l’air, chaque fois que reparaissait un
visage qu’il avait connu et autour duquel se formait une atmosphère de
souvenirs. Il avait le don de ne pas être inattentif et de trouver dans chaque
personne plus ou moins mêlée à sa vie le prolongement de beaucoup de
choses, bonnes ou mauvaises, qu’il aimait à revoir ou à s’expliquer.
Elle le rencontra à plusieurs reprises de semaine en semaine.
Un jour, il lui parla de la vente qui se préparait: sa sœur était veuve et
avait des enfants mineurs. Ainsi présenté, cet événement familial paraissait
tout simple, mais Paule sentait confusément que la vérité devait être plus
douloureuse.
Tout en parlant, il regardait fréquemment vers la porte. Ses attitudes
trahissaient une impatience qu’il réprimait mal. Elle ne savait à quoi
attribuer ce regard assombri, cette dureté des traits qui le vieillissait. A
plusieurs reprises, il avait tiré sa montre. Un moment, elle eut l’intuition
qu’il ne la voyait pas, que sa présence peut-être lui était à charge, et une
tristesse infinie accabla son cœur.
Son tour étant venu, elle entra dans le cabinet. Quand elle sortit, elle
l’aperçut, assis dans un coin, qui parlait vivement à une jeune femme. Une
contraction rapprochait ses sourcils froncés. Près de lui, le visage creusé,
élégante toujours mais plus vieillie qu’elle ne l’eût cru possible, Paule, dans
un éclair de mémoire, reconnut sa sœur. C’était bien cette séduisante Anna
de Pontet! Sa taille amaigrie gardait une grâce indéfinissable, mais
qu’étaient devenues sa jeunesse et son assurance? Paule en passant la
regarda à peine, assez cependant pour remarquer combien devant son frère
elle semblait craintive. Un éclat fiévreux animait ses yeux à la fois humbles
et passionnés.
Paule emporta, avec une obscure impression d’angoisse, la vision de
Seguey penché, le front sombre et plein de reproches, sur sa sœur muette
comme une coupable.
La semaine suivante, comme elle arrivait, elle le trouva sous la voûte qui
conduisait dans la cour morose. Il lui parut plus changé encore, contracté,
nerveux. Une expression de fatigue modelait étroitement son visage sur son
masque osseux:
—Ah! lui dit-il en la saluant, vous venez encore dans cette maison. C’est
un ennuyeux endroit pour se rencontrer. Moi, du moins, j’en ai fini pour
quelque temps. Vous ne m’y verrez plus.
Elle le regardait, atterrée et désorientée.
—Mais, continua-t-il, sur un ton plus doux, je ne vous y verrai pas non
plus, et je le regrette. Mon seul bon souvenir ici, ce sera le vôtre...
«Déjà, pensa-t-elle, c’est déjà fini!» Il lui avait dit, quelques jours avant,
qu’il devait partir pour l’Angleterre, mais elle ne croyait pas que ce serait si
tôt.
Il paraissait maintenant songeur, lent à la quitter, comme s’il eût entendu
les paroles qu’elle ne disait pas:
—Je ne resterai pas très longtemps absent, deux ou trois mois. Cet été,
nous nous reverrons peut-être chez les Lafaurie...
Elle restait devant lui, silencieuse, sentant monter une ondée de sang qui
se répandit dans le tissu jeune de ses joues.
L’esprit mûri par le chagrin a souvent une sorte de double vue. Paule
comprenait avec une étrange force de tendresse que Seguey souffrait, mais
aussi qu’il lui appartenait à cette minute comme l’ami est à son ami.
Meurtri, malheureux, n’était-il pas un peu son frère? Les droits ineffables
de la compassion dilataient son cœur qui aurait voulu s’ouvrir pour qu’il vît
en face sa sympathie vraie. Mais elle sentait combien toute manifestation
eût été sotte et déplacée.
Il lui serra la main, d’une manière qui lui donna l’impression furtive
qu’il la remerciait.
Dans la salle d’attente, l’affiche rose venait d’être ôtée. Le château de
Valmont avait été vendu le jour même, sur une mise à prix de trois cent
mille francs. Le premier clerc lui apprit le nom de l’acheteur, un grand
négociant en grains, qui avait réussi l’année précédente une énorme
spéculation.
Son attente dans la pièce obscure lui parut ce jour-là accablante et
interminable.
Mᵉ Gratiolet n’était pas un vieux pontife en cravate blanche, mais un
petit homme au teint blafard, rondelet, farfouilleur, qui remuait des
paperasses du matin au soir. Son œil jaune happait au passage les points
litigieux, les vices de forme. Quand il commençait, Paule d’avance
demandait grâce: elle se sentait la pauvre souris que le chat mangera quand
il lui plaira.
Dès qu’elle fut entrée, il prit un air gracieux et confidentiel; et comme
s’il eût trempé ses mots dans du sucre:
—Un de mes clients m’a soumis un projet de mariage qui vous concerne.
Elle le regardait gravement, le cœur étouffé, dans l’attente d’une vérité
trop belle et presque impossible dont elle redoutait l’éblouissement.
Mᵉ Gratiolet s’attardait aux préliminaires, important, les yeux
sarcastiques, sensible au plaisir de donner à une communication si
intéressante un air de mystère. Avec sa figure blanchie par la vie recluse, sa
vieille jaquette et ses manières de ronge-papier, il eût entaché de vulgarité
les plus belles choses.
Il s’agissait d’un M. Talet.
Elle l’interrompit:
—Je sais, je le connais. C’est-à-dire que je l’ai vu l’année dernière, une
ou deux fois. Mais je ne veux pas me marier.
Assurément, elle ne le voulait pas. Comment avait-elle pu imaginer que
Gérard Seguey, s’il avait une demande à lui adresser, la lui ferait parvenir
de cette façon? Dans le feu de sa déception, c’était une revanche de penser
que cela du moins était impossible.
Cependant Mᵉ Gratiolet en venait aux chiffres: cent mille francs de dot,
trois cent à attendre, des affaires qui rapportaient environ cinquante mille.
Le père, M. Jules Talet, était courtier en même temps que propriétaire en
Médoc, du château Caillou, un cinquième cru. Il venait d’associer son fils.
Elle essayait de l’arrêter:
—Ce n’est pas la peine.
Résignée, elle le laissa dire. Elle se rappelait bien ce M. Talet. Chaque
année, à l’époque des écoulages, il venait aux Tilleuls goûter le vin
nouveau, s’en gargarisait, crachait sur le sable de longues gorgées et faisait
tourner longuement dans sa tasse d’argent la belle flamme sombre bordée
de rose. A Mme Dupouy, qui attendait son verdict sur le seuil du chai, il
confiait toujours que le vin recélait une saveur douteuse, un peu de douceur,
«une pointe de verdeur», mais qui passerait. Puis il s’asseyait au salon, son
pardessus déboutonné. Paule assistait à cette conférence où l’affaire était
bien des fois reprise et abandonnée, parmi des doléances de propriétaire,
dont M. Talet répétait qu’elles étaient les siennes. Mme Dupouy espérait-
elle que les prix monteraient au printemps prochain, il levait des mains
compatissantes et prophétisait d’une voix enrouée une baisse certaine! Le
bordereau signé, il restait un moment encore, apaisé, plein de bonhomie.
L’année précédente, il avait amené son fils, un grand garçon blond, décoré,
de corps un peu massif, qui ressemblait à un Hollandais. Celui-là avait une
physionomie sérieuse et laissait tranquillement s’agiter son père. Au
moment de la livraison, il était revenu, tout seul cette fois, et avait été très
courtois.
Paule se rappela brusquement qu’il l’avait beaucoup regardée. Le
ressentiment qu’elle en éprouva lui fit paraître cette scène encore plus
pénible. Le désir de s’en aller, de respirer seule et tranquille, délivrée de
toutes ces choses, creusait un grand cercle bleu autour de ses yeux. Elle
répéta d’une voix ferme:
—Je vous assure que c’est inutile.
Mᵉ Gratiolet lui faisait maintenant les représentations convenables: sa
famille se préoccupait; son devoir exigeait qu’il la mît en garde... Puis ils
revinrent aux comptes de tutelle et à une autre succession, celle de son
grand-père, dont le règlement traînait depuis des années. Il y avait des
ventes à effectuer, des remplois de fonds.
Elle l’écoutait, le regard vague, ne comprenant rien, si ce n’est que Mme
Dupouy avait perdu beaucoup d’argent.
Ainsi, pendant qu’elles vivaient toutes deux si modestement, calculant
les moindres dépenses, dans leur retraite campagnarde, une partie de sa
fortune sournoisement s’était échappée, avait fui sans qu’elle s’en doutât,
par des fissures invisibles. Était-ce possible?
Le notaire expliquait:
—Les mauvais placements... Des valeurs qui baissent.
On pouvait donc se ruiner de cette manière mystérieuse.
V
Le printemps passait.
Les lauriers étaient défleuris,—ces lauriers qui portent le long de leurs
rameaux, entre les bouquets de feuilles luisantes, des fleurs blondes comme
des abeilles. Les grappes de la glycine pendaient toutes molles. Leur
jonchée traînait au bas des vieux murs.
De la fenêtre de sa chambre, Paule avait suivi les transformations d’un
bosquet de boules-de-neige. Les petites têtes vertes, d’abord confondues
avec le feuillage, étaient devenues chaque jour plus grosses et plus pâles.
Maintenant, elles étaient d’un blanc mat et courbaient les branches; demain,
elles s’inclineraient davantage encore, lâches, prêtes à l’éparpillement qui
couvrirait la haie d’épine et le morceau de gazon foulé.
Un rossignol invisible chantait le soir et jusqu’au matin. Il lançait deux
fois, trois fois, sa note flûtée, puis un trille où sa petite âme délirante se
brisait en perles.
Après le départ de Seguey, Paule avait eu des jours de tristesse. Où était-
il? Le reverrait-elle? Elle imaginait mal qu’elle pût le retrouver chez les
Lafaurie. La pensée d’être avec lui au milieu du monde la remplissait de
timidité. Sa solitude développait un de ces sentiments que tout favorise, la
beauté, le calme de la campagne. Nul ne peut dire ce qui s’amasse ainsi de
rêve dans des vies qu’on croit monotones. Paule songeait qu’elle pourrait
toujours l’aimer de loin, l’aimer sans rien dire; ses vingt ans reformaient cet
idéal des grandes amours silencieuses qui ne survit guère à la jeunesse.
Devant ses vignes, ses prés où montait la belle herbe verte, des forces
profondes la ranimaient. Ses responsabilités nouvelles, toutes les décisions
qu’il lui fallait prendre, la changeaient un peu, la faisaient plus réfléchie et
plus courageuse. Son esprit travaillait beaucoup. Mlle Dumont, quand elle
arrivait, menue et soignée, ses mains gantées de fil gris sur son petit sac, la
trouvait entourée de livres et de journaux d’agriculture. Elle lisait le Vieux
Vigneron, le Réveil rural, et suivait de mois en mois un calendrier agricole
qui était signé: Grand-Père Sylvain.
La vieille demoiselle paraissait troublée:
—Vous devriez continuer de faire comme votre mère a toujours fait.
C’était une femme prudente et de bon conseil.
Quand les paysans rentraient du travail, devant la porte de leur maison
ou sur le seuil de l’écurie, elle leur parlait longuement de ces choses. Ils
hochaient la tête:
—Peut-être bien!
Mais le soir, en mangeant leur soupe, ils reprenaient toutes ses paroles.
Ils les commentaient le samedi, dans la boutique du coiffeur, qui est au
village le lieu de réunion, presque le club, où se discutent les affaires, la
politique, la chasse et les syndicats. Des figures se penchaient, hermétiques
et silencieuses, pour mieux entendre.
Les yeux suivaient aussi sa voiture basse, qui avait un coffre jaune entre
deux roues bleu-clair.
Cette jeune fille qui allait et venait, presque toujours seule, conduisant
elle-même un petit cheval, faisait sur les esprits une impression
considérable. Plus d’un ruminait de lui proposer des combinaisons. Un
travail de taupe se développait, qui convergeait vers son domaine,
enveloppant de galeries souterraines sa vie isolée. L’idée prenait racine dans
plusieurs cerveaux qu’il y avait avec elle quelque chose à tenter. Elle
devenait une occasion de fortune, une chance à courir, dont on ne savait pas
encore la juste valeur, mais qui mériterait d’être étudiée, creusée jusqu’au
fond. Dans la vie paysanne, en apparence toujours pareille, il n’est pas un
événement qui échappe à la réflexion. Ceux-là seuls réussissent qui
s’attachent aux choses avec âpreté, les palpent, les pressent pour en extraire
les possibilités qu’elles peuvent renfermer.
Dans presque toutes les petites maisons accrochées au bas du rocher, et
au pied desquelles la palud venait s’arrêter, l’opinion était établie que Paule
était très riche. Certains bâtissaient sur elle un roman, cette histoire de
l’orpheline qui, dans l’imagination populaire, tient toujours un peu du
feuilleton et de la littérature à cinquante centimes.
Un après-midi, comme la jeune fille cousait à l’ombre des ormeaux,
assise sur un banc, elle aperçut au bout de l’allée un homme portant la
longue blouse bleue des maquignons, qui venait vers elle.
Il salua de loin et se rapprocha en saluant encore.
Elle lui demanda, son aiguille en l’air, s’il avait besoin de la voir.
Il ne parut pas avoir entendu, parla du temps qui était beau, remit sa
casquette et attaqua enfin la question:
C’était pour les prairies, une idée lui était venue...
Il avait pris un air souriant:
—Je pourrai peut-être vous les louer, ou seulement couper le foin.
Chacun en aurait sa moitié: la vôtre, la mienne. Ce serait de l’ennui de
moins pour vous. Justement que le travail presse dans les vignes au moment
des foins et qu’on n’a jamais assez de personnel. Alors, on attend, le foin se
gâte, il devient tout blanc, de la paille quoi...
Il avait, dans sa figure rougeaude, les gouttes claires de deux petits yeux
à demi cachés par des paupières plantées de cils roux; et le regard ainsi
clignotant, il risquait ses phrases avec précaution, surveillant l’effet qu’elles
semblaient produire, ménageant des silences plus ou moins longs, prêt à
s’avancer, à laisser entendre quelque chose d’autre, mais non moins capable
de recul, d’atténuation, de retraite habile:
—Ce n’est pas que l’herbe soit bien épaisse, mais j’ai des bêtes, cela me
ferait toujours de la nourriture.
Louer ses prés, ou en donner la coupe à l’entreprise, elle n’y avait jamais
pensé. Enfin, elle verrait, elle réfléchirait.
Il s’en alla, patelin, bonhomme, et revint sur ses pas:
—Vous me connaissez bien... Délicat Pouley.
Il redit son nom deux ou trois fois, en appuyant sur chaque syllabe, pour
qu’il entrât dans la mémoire de la jeune fille:
—Allons, au revoir, je repasserai.
Elle le regarda s’éloigner, réfléchit un moment, puis chassa de son esprit
ce problème nouveau qui l’embarrassait.
Elle se promena au bord de l’eau. Le ciel était d’un bleu de mois de
Marie. Un arôme indéfinissable noyait la campagne, cette pénétrante odeur
de la vigne en fleur, que la brise déplace en entraînant comme des écharpes
de parfum, que le soleil exalte, et dont les effluves baignent les feuilles de
délices subtiles et presque secrètes. Paule avait l’impression d’une
jouissance mystérieuse entrée dans sa vie. Le paysage resplendissait, tout
trempé de lumière neuve. Il y avait sur le fleuve soyeux des barques menues
et de petites voiles; une grande île, dans sa ceinture d’aubiers argentés,
semblait un majestueux vaisseau de feuillage ancré au milieu du fleuve. Là-
bas, à un détour de la nappe claire, Bordeaux mettait sur la rive gauche un
liseré violet brodé de clochers.
Elle croisa des bicyclistes qui portaient sur leur guidon des bouquets de
fleurs.
Ses yeux se tournèrent vers le coteau: au milieu des verdures fraîches,
elle reconnut le cèdre de Valmont à sa masse sombre; par derrière, le soleil
de mai éclairait un morceau de façade blanche.
A partir de ce moment, elle ne vit plus rien. Les allées et venues des
promeneurs, l’attroupement d’une vingtaine de personnes sur une petite
plage où deux équipes de pêcheurs, tirant à pleins bras, rabattaient le fond
d’une seine, tout la laissait indifférente.
Si Gérard avait dû revenir pendant l’été, comme autrefois, dans son beau
domaine, quelle douceur elle eût éprouvée à respirer le même air, à le sentir
proche! Elle aurait eu l’impression qu’ils étaient ensemble. L’idée qu’elle
ne reverrait plus le grand parc ombreux, le perron, lui semblait
extraordinaire.
Vendre sa maison, c’était presque aussi affreux que de voir mourir.
Pendant ce temps, Pouley avait longuement fait le tour des prés, les
mesurant de ses petits yeux et paraissant établir en silence des
combinaisons, des calculs, comme si déjà il en était maître.
VI
Quand on sut que Délicat Pouley avait réussi, la fièvre s’empara de ses
concurrents.
Il y avait, en face de la grille qui ouvrait sur la grand-route, quelques
maisons groupées sur le port. Un bouvier y occupait deux chambres et une
cuisine; par derrière, l’étable donnait sur un pré bordé par des haies. Le soir,
un chien au poil fort y gardait les bœufs; un petit cheval y paissait aussi,
s’échappant souvent, à la recherche d’une herbe meilleure.
Tout le pays connaissait bien ce bouvier-là qui entreprenait des labours
et des transports de bois à droite et à gauche.